Bref. On a invité un Prix Nobel !
Et si on invitait un Prix Nobel au MUMONS ?!
Cette idée trottait dans la tête de notre directeur depuis deeees mois ! Et c’est finalement le vendredi 7 juin 2024 à 15h41 que Francesco Lo Bue, physicien de formation, a lancé son premier coup d’envoi à Alain Aspect, Prix Nobel de Physique 2022. Mais on prendra le temps, un peu plus tard, de détailler son impressionnant palmarès de médailles et récompenses ! Ce qu’on voulait ? Qu’il vienne nous parler – vous vous en doutez – de la question de l’intrication quantique.
« Cher Monsieur Aspect,
J’imagine que vous recevez un nombre incalculable d’invitations par courriel chaque jour…
J’espère que celle-ci pourra attirer votre attention… 😊 »
Francesco lui a alors rappelé la portée du cycle « Univers », une série de conférences grand public consacrées au ciel et à l’Univers, qui attire toujours beaucoup de monde. Et encore plus quand on met de grands noms de physiciens ou astrophysiciens à l’affiche : François Englert, Michel Mayor, Hélène Courtois, Marc Lachièze-Rey, Jean-Pierre Luminet, André Brahic, Roland Lehoucq, Jean Lilensten, Aurélien Barrau, Étienne Klein, Hubert Reeves, Jean-Pierre Bibring, Gabriele Veneziano… (Toutes ces conférences sont d’ailleurs disponibles sur la chaine YouTube du MUMONS).
Quelques jours passent… Et puis, la « merveilleuse réponse » tombe : le lundi 17 juin 2024, Alain Aspect accepte volontiers notre invitation 🎉
C’est l’effervescence en coulisses. Tout s’accélère, se précise. Francesco met en place un programme aux petits oignons pour recevoir comme il se doit cette sommité de la science… Rencontre avec les étudiants de la Faculté des Sciences, échanges avec les chercheurs, et – surprise de dernière minute – une visite des anciens ascenseurs à bateaux sur le canal historique, et celui de Strépy-Thieu ! Pas du tout prévue de base, mais Alain Aspect en a entendu parler et il veut les voir. Impossible de refuser ! De la charcuterie et du fromage préparés au vol par notre ami de « La Fontaine », en toute simplicité, à l’image de ce grand monsieur qui, malgré un cerveau aussi brillant que celui d’Einstein, reste accessible et incroyablement charmant !
On vous laisse maintenant avec le discours de Francesco, prononcé le mercredi 12 février 2025. Il est 20 heures, le quart d’heure académique passé… L’amphithéâtre Stiévenart est bondé. 700 curieux, passionnés, admirateurs… Tous suspendus à ce moment tant attendu : la présentation d’Alain Aspect sur « Les deux révolutions quantiques : des concepts aux applications ».

« Les deux révolutions quantiques : des concepts aux applications »

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Chef, un discours !
Au nom de l’Université de Mons et des équipes du MUMONS, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à cette soirée hors du commun. Vous êtes près de 700 dans cette salle. Et sachez que 400 personnes n’ont pu trouver place !
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En juin 2009, nous avons eu le privilège d’accueillir à l’UMONS, Michel Mayor, brillant astrophysicien suisse, qui a été le premier à découvrir une planète qui gravite autour d’une étoile autre que le Soleil.
Dix ans plus tard, Michel Mayor se voit attribuer le Prix Nobel de Physique.
En février 2013, nous recevons à l’UMONS, François Englert, l’un des pères du fameux Boson de Brout-Englert-Higgs, la fameuse particule que d’aucuns ont qualifié de « particule de Dieu ».
Seulement 10 mois plus tard, François Englert se rend à Stockholm pour y recevoir le prix Nobel de Physique.
En septembre 2020, nous invitons Emmanuelle Charpentier, une brillante biochimiste à l’origine des fameux « ciseaux génétiques », le révolutionnaire CRISPR-Cas9. Elle accepte notre invitation. Mais à peine plus de 10 jours plus tard, l’Académie royale des Sciences de Suède annonce qu’Emmanuelle Charpentier recevra le Prix Nobel de Chimie. Elle ne pourra nous rejoindre.
Avec un peu, ou plutôt beaucoup, de mauvaise foi, nous pouvons affirmer que trois invités de l’UMONS sur trois reçoivent le Prix Nobel, après 10 ans, 10 mois, 10 jours.
Avec une telle progression, il n’est pas étonnant d’apprendre que notre quatrième invité a déjà reçu le prestigieux Prix, avant même sa venue à Mons !
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Plus sérieusement, avant de vous présenter plus en détails notre invité, je voulais vous soumettre quelques réflexions.
Que sommes nous en train de faire ce soir ? Que célébrons-nous finalement ? Cette soirée fait-elle sens ? Est-elle utile ?
Alors, certes, nous sommes ici pour assister à une conférence d’Alain Aspect qui traitera des deux révolutions quantiques.
Mais au-delà des questions de physique pure, que nous raconte cet événement sur nous-mêmes ? Que nous dit-il de notre relation au monde, de notre relation aux générations qui nous ont précédés ? De notre relation aux générations futures ?
Nous vivons une époque de transition, de mutation profonde. Je ne vous apprends rien.
Une espèce biologique, Homo Sapiens, est parvenue à modifier la fragile atmosphère qui l’a vu naître. Ce n’est pas la première fois que le Vivant parvient à une telle prouesse. Mais c’est la première fois que le coupable a conscience de ses actes et est en mesure de réagir.
Chaque jour, Sapiens contribue à la destruction impitoyable des écosystèmes et de la biodiversité. Mais Sapiens joue aussi le rôle de lanceur d’alerte.
Nous traitons depuis des siècles les autres espèces vivantes comme des organismes inférieurs, des automates organiques, en quelque sorte.
Mais nous avons désormais pris conscience que les autres espèces sont tout aussi complexes que nous, qu’elles sont tout aussi extraordinaires, et que nous ne sommes certainement pas les seuls à avoir conscience d’exister.
Nous savons que, même si nous sommes capables de nous arracher à l’attraction terrestre, nous ne sommes qu’une espèce parmi d’autres.
Nous avons appris à percer les secrets de la matière. Ce qui nous a permis de développer des traitements médicaux innovants. Ce qui nous permet d’assurer notre alimentation en énergie. Mais avons-nous, in fine, besoin d’autant d’énergie ?
Nous utilisons aussi ces connaissances pour ravager, tuer, massacrer… comme personne avant nous. Mais, nous le savons, nous connaissons l’impact de ces armes terrifiantes. Le monde a déjà suffisamment payé un lourd tribut pour cela.
Pourtant, les budgets militaires ne cessent d’augmenter. Alors que la seule chose dont nous aurions besoin, serait de solidarité planétaire. Nous le savons.
Nous fabriquons de nouveaux matériaux aux propriétés extraordinaires. Mais nous ne cessons de produire des quantités invraisemblables de déchets et de polluants en tout genre, qui pèsent de plus en plus sur la biosphère. Nous en avons désormais conscience.
Nous avons construit des réseaux électroniques qui nous permettent d’accéder en quelques instants à tout le savoir de l’Humanité et ce, dans toutes les langues, ou presque.
Mais pendant que la collectivité construit Wikipédia, les partisans de la Terre plate et autres gourous complotistes, faiseurs de fake news et haters, montent en puissance.

Nous connaissons les tristes mécanismes à l’œuvre, ils ont été étudiés et compris. Nous les connaissons, et les reconnaissons.
Certains se disent pro-vie, mais laissent se noyer les désespérés qui traversent les mers pour fuir l’horreur que nous avons nous-mêmes créée ailleurs. Les problèmes du monde viendraient de ces quelques malheureux, parait-il. Convaincre les pauvres que ce sont encore les plus pauvres qui sont à l’origine de tous les maux.
Certains veulent libérer la parole sur les réseaux, surtout celle de la haine et du mensonge.
Certains se sentent investis de la mission de sauver la vie terrestre. Il faudrait pour cela impérativement débarquer sur Mars. Mais ils le font paradoxalement en détruisant la vie sur Terre.
Et nous pourrions continuer.
Les paradoxes sont omniprésents. Ce à quoi nous assistons a de quoi nous faire frémir.
À cet instant précis, vous vous dites : « Mais pourquoi suis-je venu à l’UMONS ce 12 février ? »
Si le monde part autant en vrille, pourquoi cette soirée sur une obscure propriété quantique ?
Je vous rassure, vous avez bien fait de venir. Car oui, nous réunir, ici, ce soir, fait sens.
Depuis des millénaires, des penseurs observent, étudient, explorent, expérimentent.
Juste pour le plaisir. Et puis parfois, ce que l’on a compris permet d’inventer, de créer, de se nourrir, de se protéger, de se soigner, de voyager… ou de voir le monde autrement, et de rêver, tout simplement.
La Science est très probablement l’une des seules activités communes à l’Humanité qui soient réellement construites sur la notion de partage et de mise en commun. Ses méthodes et son corpus de connaissances sont l’un des héritages les plus précieux qui puissent se transmettre de génération en génération.
Il y a exactement 100 ans, un certain Erwin Schrödinger parvient à écrire une équation qui pose l’un des fondements d’une nouvelle discipline encore balbutiante : la physique quantique.
Elle est le fruit des penseurs les plus brillants de son temps.
Quelques originaux tentent de comprendre des expériences a priori inutiles aux résultats étranges. On éclaire des plaques de métal chargées électriquement. On réalise des expériences d’interférence lumineuse. C’est que cet infiniment petit semble encore plus déroutant que l’infiniment grand. Les équations fonctionnent pourtant incroyablement bien. On n’y comprend pas grand-chose, mais ça marche.
Schrödinger, Einstein, Bohr, Heisenberg. Des géants de la science qui nous ont laissé un héritage prodigieux. Mais aussi des questions, et non des moindres, qui n’ont pu être tranchées.
C’est là qu’intervient notre invité de ce soir, Alain Aspect. Issu d’un milieu modeste, enfant d’instituteurs, esprit curieux hors du commun, il découvre la science grâce à des rencontres avec des enseignants hors pair. Son parcours le conduit à s’attaquer à l’une des questions les plus dérangeantes parmi celles que pose la mécanique quantique.
Un défi lancé par Einstein lui-même. Alain Aspect ne recule devant rien. Contre vents et marées, il travaille, encore et encore. Il parvient à prouver la réalité de l’un des phénomènes les plus perturbants qui soit : l’intrication quantique.
Non seulement, il prouve qu’Einstein avait tort sur ce sujet, mais il prouve que la Nature est encore plus extraordinaire que nous ne le pensions.

Alors, quel est le sens de tout ceci ?
Au-delà de toutes nos tares, comme toutes les autres espèces, nous sommes le fruit d’une évolution cosmique longue de près de 14 milliards d’années. Nous ne sommes qu’un tas de quarks et de leptons inertes synthétisés dans les forges stellaires, de la poussière d’étoiles.
Nous sommes un assemblage d’éléments inertes, devenu vivant et conscient de son existence. Nous questionnons cet Univers qui nous a engendrés. Nous évoluons dans le mésocosme, coincés quelque part entre le monde quantique et les immensités cosmiques.
Lorsqu’Alain Aspect prouve l’existence de l’intrication quantique, c’est en quelque sorte l’Univers qui progresse dans la compréhension de lui-même.
Lorsqu’Alain Aspect nous parle des implications technologiques de ses travaux, aussi étonnant que cela puisse paraitre, c’est la Nature qui se donne de nouveaux outils pour créer, encore et encore.
Mais ne perdons pas de vue qu’une technologie, quelle qu’elle soit, n’est qu’un outil. On peut certes utiliser un marteau pour aider son voisin à construire sa maison. Mais on peut aussi utiliser ce marteau pour se débarrasser de ce voisin.
Oui, cette soirée est une ode à ce que l’Humain peut produire de meilleur, contre vents et marées.
Mais ce n’est pas tout, car le plus beau dans tout cela, c’est votre présence.

Des humains se sont déplacés ce soir pour rencontrer d’autres humains. Vous auriez pu attendre quelques semaines et visionner la conférence sur notre chaine YouTube… ou pas.
Non. Vous avez préféré la rencontre, la vraie, celle qui ne peut avoir lieu qu’en présentiel, de Sapiens à Sapiens.
Vivre l’instant, vivre l’émotion, ensemble. Se délecter d’une découverte, savourer une belle histoire, s’émerveiller devant la complexité et la richesse infinie de l’Univers.
Créer du lien et des souvenirs, quelque part dans l’espace-temps, coincé entre les deux infinis.
Et imaginer un futur meilleur. Car oui, en dépit des apparences, c’est possible.
Eduquer, sensibiliser, stimuler.
Nous avons là, maintenant, une lourde responsabilité par rapport à la jeunesse d’aujourd’hui et de demain, et par rapport à l’ensemble de la biosphère.
Si nous avons réussi à penser l’intrication quantique, à prouver son existence, et à nous en servir, à prouver que cela a demandé in fine des dizaines de siècles d’étude et une centaine de générations de chercheurs, c’est que nous sommes capables de réaliser des choses réellement extraordinaires.
À nous de prendre notre destin en main.
Vive l’Humanité, vive l’Universalité, vive la Solidarité, vive la Science.
Francesco Lo Bue
Directeur du MUMONS



La presse en parle
- Alain Aspect : le Prix Nobel décrypte la physique quantique | Daily Science
- Un Prix Nobel de physique à Mons | Tele MB
- Mons va accueillir un Prix Nobel de Physique en février | SudInfo
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- L’UMONS a accueilli le Prix Nobel de Physique 2022, RTBF Actus