Le papa-tourneur du pendule de Foucault
Une purée de pois dans l’air. Des champs qui se dessinent vaguement. Des toiles d’araignées et des créatures fantomatiques qui s’accrochent aux fenêtres… Bienvenue au village d’Élouges (ou Elouche pour ceux qui parlent le wallon picard — hein, m’biau !, comme dit si bien notre hôte). Dans une petite rue étroite, une maison à deux portes d’entrée nous accueille. Un homme nous attend : Jean Minez. Il se dit même, dans les couloirs de l’UMONS, qu’il est le “papa du pendule”. Artisan-tourneur de métier et passionné de la première heure, il a fabriqué de ses mains habiles — un rien plus capricieuses aujourd’hui — les plus beaux pendules de Foucault que la Terre ait connus pour prouver qu’elle tourne bel et bien !
Entre le portrait et le billet d’ambiance, on vous emmène à la découverte de cette expérience du pendule et son “père tourneur”.
Il tourne, il tourne… sans perdre la boule !
Tarte au flan, moka et “Tom Pouce” à la main (surnom très local du glacé), répartis aux quatre coins du canapé, il est l’heure d’ouvrir grand nos pavillons pour écouter l’histoire de Jean, intarissable dès qu’il s’agit de parler de ses petites merveilles en acier ou en inox.
Foucault et Sainte-Waudru
La sphère est galbée, rondement menée par les outils de Jean, qui peut désormais s’attaquer à un autre gros morceau de l’appareillage : le système d’accrochage aux voûtes de Saint-Waudru. C’est là qu’elle sera suspendue à… 25 mètres de hauteur, sous la charpente secrète et quasi inaccessible de la collégiale. Mais Jean avait savamment calculé son coup et savait pertinemment par quel oculus le pendule de Foucault se faufilerait pour se mettre en scène au bout du fil. (NDLR : un oculus, c’est un puits de lumière qui sert à faire descendre les lustres ou candélabres pour les entretenir et allumer les chandelles).
Sable ou bouchon de liège ?
Avec une saveur d’humilité, Jean nous raconte qu’il avait simplement “fait quelque chose de valable” — pour décrire en réalité le bon fonctionnement de ce chef-d’œuvre de la physique ! Puis, il revient sur cette fameuse histoire du sable. “Ah, le sable !” Francesco Lo Bue, physicien, déjà fourré dans tous les mauvais plans du MUMONS (autrefois, on parlait du centre de didactique des sciences — d’ailleurs, qui de mieux placé que lui aujourd’hui pour tenir les rênes du musée ? On ne se pose même pas la question !), avait cette idée farfelue d’ajouter du sable sous le dispositif.
“Faut pas te tracasser Jean ! On met du sable, on l’humidifie, on fait une petite motte comme les enfants, et le tracé du pendule se marquera dans le sable !“, raconte Jean avec toute sa gentillesse.
Un pendule en acier de la génération Z
C’est en 2005 que la sphère de 44 kilos (beau bébé !), trouvée par un coup de chance à la Faculté Polytechnique, prit forme au creux du tour de Jean, guidée par ses mains expertes et déterminées, et son regard bienveillant.
Une aventure, et non des moindres ! À cette époque, Jean collaborait avec Philippe Herquet, alors professeur ordinaire au service de Physique nucléaire de l’UMONS, aujourd’hui dirigé par Claude Semay (physicien subnucléaire). Ce sont les autorités elles-mêmes qui lui ont proposé de participer à cet ambitieux projet du pendule de Foucault. Il faut dire que son savoir-faire et son sérieux faisaient déjà forte impression ! À tel point qu’un jour, l’administrateur de l’époque souffla à son épouse regrettée : “Ton homme, il est plus célèbre que Tom Cruise“, raconte-t-il, amusé par l’anecdote.
La chance de sa vie ? On peut dire ça, oui !
“J’ai été emballé tout de suite“, avoue-t-il. “C’était un grand évènement. Les médias venaient de partout. La radio, la télévision…” De quoi l’impressionner ? Pas vraiment. Il a surtout appris, comme certains d’entre vous peut-être en ce moment, que la Terre tourne dans le sens contraire des aiguilles d’une montre 🙂
Si vous voulez connaitre toute l’histoire, du tout début à la toute fin, et découvrir tout ce qui a été produit et réalisé autour de cette expérience du pendule de Foucault, un lien unique sur notre site vous permettra d’explorer chaque détail de cette aventure humaine et scientifique : https://mumons.be/museum/livres/livres-mumons-version-pdf/le-pendule-de-foucault-livre-pdf/
Jean Minez, à l’ouvrage dans les années 2000.
Oui mais… sauf que… Jean, avec toutes ses réserves envers Francesco, qu’il ne connaissait alors pas très bien, n’était pas vraiment “chaud” à l’idée de mettre du sable. Il voyait déjà la collégiale en plein hiver… L’eau, le froid, le gel, le sable à ramasser. Pas idéal, tout ça !
C’est alors que lui vient l’idée des bouchons de liège, lui qui passait des heures à créer des souls, ces petites œuvres de collage au matériau naturel.
Sans rechigner, Francesco et son humanité légendaire laissent l’idée de Jean… tourner à plein régime dans la collégiale ! Jean mit alors en place une rampe remplie de bouchons, et au fur et à mesure que le pendule oscillait, ce dernier faisait tomber un à un tous les bouchons de la rampe. C’était du grand art, un plaisir pour les yeux et la foule ne s’y trompait pas : les files étaient infinies.
La machine était enfin lancée, jusqu’au jour où…
De gauche à droite : Jean Minez, Francesco Lo Bue, Christophe Saussez, technicien au MUMONS, acolyte de Jean, suivi de la nouvelle génération de physicien avec Nicolas Demasy. Ils étaient invités d’honneur au Musée de la Chartreuse à Douai pour l’inauguration du pendule de Foucault auto-entretenu.
Faire mauvaise fortune bon ❤️
2015… Bardaf, c’est l’embardée : le pendule est volé ! On ne reviendra pas sur ce fait divers indésirable, car ce qui compte vraiment, c’est la flamme qui s’est allumée dans le cœur de Jean après ce malheureux incident.
(Doit-on encore préciser que les yeux de Jean brillent comme ceux d’un enfant chaque fois qu’il parle du pendule ?!)
Son envie de sculpter dans la masse un pendule unique, spécial, avec une zone équatoriale et un cône incurvé devient alors irrésistible ! C’est ainsi qu’il se lance dans la réalisation d’un pendule aussi imposant que le premier, mais bien plus stylisé… Un pendule prêt à faire de l’ombre à sainte Waudru et à illuminer la Cathédrale de Tournai. C’était en 2018.
Jean Minez souriant à Christophe Saussez. Ils sont complices depuis maintenant six ans. Moment capturé lors de l’interview au domicile de Jean.
Mot touchant que Jean Minez a écrit à Francesco Lo Bue, Nicolas Demasy et Christophe Saussez. Sous ce mot, une photographie du pendule de 2018 et, à côté, sa version miniature créée en août 2024.
Six ans plus tard, à l’été 2024, les talents de Jean sont à nouveau sollicités par le MUMONS pour une commande bien spéciale : la réalisation d’un mini-pendule destiné à expérimenter de manière ludique et simplifiée le célèbre pendule de Foucault. Pensée comme une version “fête foraine” mobile, cette expérience à plus petite échelle a été surnommée “Le manège”. Sans hésiter, Jean accepte de fabriquer, dans son atelier de campagne, le mini-pendule d’exception que l’on vous présente ci-dessous. Tel un bijou d’orfèvrerie, il est blotti dans un écrin en bois élégant, déniché avec l’attention amicale de Christophe Saussez, le “Géo Trouvetou” du musée.
Le pendule de Foucault à Charleroi : grande première !
Le plan élaboré par Jean Minez pour l’installation du pendule de Foucault à Charleroi. Un sacré (nouveau) défi !
Cette commande particulière auprès des “ateliers de Jean” s’inscrit dans la démarche de relance de l’expérience du pendule de Foucault… À Mons, bien sûr, et à terme à Tournai. Et pour la toute première fois de son histoire, le pendule va débouler dans la “salle des musées”, sous l’impressionnante verrière du flambant neuf CampusUCharleroi, où l’UMONS déploie des enseignements avec l’ULB et d’autres acteurs locaux. Une opportunité inouïe, tant le lieu aux airs de passé industriel sera un décor de choix pour l’installation du pendule.
Autant dire que Jean est plus qu’enthousiaste avec ce nouveau défi qui l’attend au Pays noir (vous vous souvenez de ses yeux pétillants ?). Il a d’ailleurs, dès lors, été faire du repérage sur place avec Francesco, Nicolas et Christophe, et les plans sont déjà étalés sur la table.
Enfin, il ne nous reste plus qu’à vous faire découvrir une petite vidéo ⬇️ touchante réalisée par Joseph Hanton (physique des particules élémentaires, UMONS). Ça se passe de commentaires, mais ce ne sera pas sans émotions !