Le pouvoir narratif de la musique instrumentale

Le pouvoir narratif de la musique instrumentale

Je me demandais si la musique n’était pas l’exemple unique de ce qu’aurait pu être — s’il n’y avait pas eu l’invention du langage, la formation des mots, l’analyse des idées — la communication des âmes.

C’est en ces termes interrogatifs que Marcel Proust évoque le pouvoir émotionnel et absolu de la musique instrumentale comme langage universel. Telle une prose, la musique développe, en elle, une sémantique qui s’appuie sur les modèles narratifs du récit fondé sur la trajectoire de l’intrigue dont les tensions et détentes alimentent les attentes et les surprises. Au contact de ces procédés, la musique sans paroles, ni mots s’est forgée, grâce à sa propre syntaxe tonale, une causalité imaginaire qui déborde largement son pouvoir descriptif. Ainsi, une véritable narratologie musicale a vu le jour depuis l’époque baroque (la rhétorique de Bach) pour se développer ensuite au cœur du romantisme (poème symphonique, Liszt) en contaminant, plus tard, les musiques de cinéma. Exploitant les associations symboliques, tout ce répertoire s’est consolidé de topiques (leitmotiv) dont les formules mélodiques, harmoniques et  rythmiques induisent la possibilité d’un récit. Si la musique instrumentale dispose, bien sûr, de formes et de structures propres (sonate, fugue..) dont la vocation n’est pas narrative, elle possède également une portée signifiante qui demeure toujours sujette à interprétation.

Agrémentée d’illustrations musicales, cette conférence a pour objectif d’ouvrir, comme le disait si bien Proust, la question de la spécificité cognitive du langage musical instrumental.